Le Gebs marocain, ou quand le plâtre devient chef d’œuvre.
Au Maroc, les maîtres artisans (les Maâlmins) magnifient le plâtre, ils le sculptent, le cisèlent, le mettent en scène et cela devient un chef d’œuvre : le gebs. Recouvrant généralement la partie haute des murs, au-dessus des zelliges, il est aussi employé pour la décoration d’arcades ou de plafonds comme ci-dessous cette exceptionnelle coupole au palais royal de Dar Es Salam à Rabat.
Le gebs est également utilisé pour de grandes surfaces architecturales, et s’applique à tous les types de motifs : frises concentriques, entrelacs géométriques, rosaces, muqarnas* comme ci-dessous au palais royal de Rabat et dans la kasbah de Télouet, sans oublier bien sûr la calligraphie.
De couleur naturellement d’un rose léger tirant sur le blanc, il peut être teinté dans la masse, mais être aussi rehaussé de couleurs, d'enluminures ou même de dorures, comme ci-dessous avec ce précieux plafond en demie lune d’un salon au palais royal de Fès.
Importé de Mésopotamie, l'art hispano-mauresque a ensuite poussé la technique du gebs à la précellence, celui-ci est alors entré dans la décoration des demeures marocaines à partir du XIIIe siècle. Exclusivement destiné à l’ornementation, le plâtre est étalé puis lissé en une couche épaisse de 3 à 4 centimètres sur des surfaces hérissées de clous pour en assurer la tenue, son lent séchage permet alors aux maîtres artisans de le sculpter patiemment. Tout d’abord, le Maâlem trace les motifs désirés avec une pointe sèche à l’aide d’une règle, d’un compas, de gabarits et de pochoirs.
Kasbah de Télouet et mosquée Hassan II à Casablanca
Puis, en utilisant de minces ciseaux, de petits burins et des gouges de diverses sections, le maître artisan découpe et sculpte le plâtre frais suivant méticuleusement le tracé de son croquis, creusant plus profondément certaines zones afin d’accentuer les ombres qui permettront d’en accroître le relief. Petit à petit, la masse lisse du plâtre devient dentelle, le gebs est né, grâce aux mains expertes de ces Maâlmins marocains recherchés dans le monde entier pour leur inestimable talent à maîtriser cet art ancestral.
À propos du gebs, il paraît évident que le chemmassiat est une continuité de cette technique, mais la sculpture transperce alors totalement le panneau de plâtre en une fine broderie afin de laisser passer la lumière du soleil (chems en arabe) d’où le nom de ces ajours fermés par une multitude de petits carreaux de couleurs vives destinés à filtrer la lumière tout en conservant la fraîcheur à l’intérieur. Ci-dessous, admirable exemple de chemmassiat dans la mosquée du mausolée Mohammed V à Rabat.
* En architecture islamique, ce sont des éléments en forme d'encorbellements ou en stalactites. Ils servent aussi d'éléments de transition entre la partie haute d'une salle carrée et une coupole qui la surmonte.
Françoise PEURIOT et Philippe PLOQUIN
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