Des chevaux parés d’or et d’argent au Maroc.
Mentionnée à partir du XVIIIe siècle par les récits de voyageurs au Maghreb, la fantasia marocaine est l’héritière de l’équitation Arabo-Turco-Berbère. Elle sera définitivement connue, et prendra ce nom de fantasia, dès 1832, grâce aux récits d’Eugène Delacroix et à ses innombrables tableaux qui vont immortaliser cet art équestre. En effet, le 6 mars 1832, ce célèbre peintre accompagne le comte Charles-Edgar de Mornay auprès du sultan marocain et assiste à Garbia, puis à Meknès à ses premiers « jeux de poudre ». Il en note alors la splendeur dans son journal.
Au Maroc, la fantasia, appelée aussi Tbourida, fait partie du patrimoine culturel ; c’est une tradition hippique tribale, rurale et religieuse rigoureusement codifiée et toujours largement pratiquée, notamment lors de moussems, pour fêter les semailles, les moissons ou célébrer un saint.
Cette exhibition équestre qui met en valeur la maîtrise unissant l’homme et sa monture,
principalement le cheval barbe, est dirigée par un chef de troupe, le mokadem. Les cavaliers habillés de pantalons bouffants et djellabas immaculées, chaussés de bottes en cuir brodé « t’mag »,
portant en bandoulière un sac en cuir ou en velours « dalil elkhayrate », tiennent à la main leur long fusil le mokahla qui se transmet de génération en génération. Chaque chevauchée s’élance en ligne sous les ordres de son mokadem, galope jusqu’à un arrêt net face à la foule et l’ensemble des cavaliers tire alors à l’unisson, en l’air ou vers le sol, une salve appelée le baroud.
Contemplée par les spectateurs, appréciée par les connaisseurs et objet de toutes les fiertés de la part de chaque cavalier, la selle de fantasia, somptueusement brodée de fils d'or ou d'argent, est toujours une pièce unique réalisée sur commande par les maîtres artisans (les Maâlmin) des médinas de Fès, Meknès ou Marrakech.
Ces véritables chefs d’oeuvre se composent de nombreuses pièces très spécifiques : tout d’abord d’un arçon en bois de noyer, appelé « l’aadam », surmonté d’un pommeau élevé le « karbouss » et d’un haut et large troussequin la « Guedda », le tout enserré par une peau de chèvre qui se rétrécit en séchant et maintient ainsi solidement l’ensemble. Pour protéger le dos du cheval, cet arçon repose sur un épais tapis constitué de 7 couches de feutre superposées et de différentes couleurs qu’on appelle « tarchih ». Viennent ensuite les éléments brodés comme le tapis de selle « ziff », le cache arçon « elghabara », le collier « l’glada », la têtière et le chasse-mouches « tachkra », la bricole « dir » et les œillères « kob eljam ».
Le tout est complété par les sangles « lhzam, dir sgher », les rennes « srâa », Le mors spécial pour la fantasia « fass », les étrivières « sbet » et enfin les étriers en cuivre ciselés ou en métal damasquiné « rkab ».
Ainsi, on comprend mieux pourquoi la fantasia, avec sa profusion de couleurs éclatantes, était l’un des sujets de prédilection des peintres orientalistes tels Eugène Fromentin, Étienne Dinet, Jean-Léon Gérome, Jacques Majorelle, Horace Vernet et plus récemment les regrettés Jean-Gaston Mantel, Hassan el Glaoui et tant d’autres artistes passionnés par cet art équestre ancestral.
Françoise PEURIOT et Philippe PLOQUIN
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