En Inde, le mois de février annonce le début de la saison sèche et nous avons choisi précisément cette période pour réaliser un rêve de toujours : aller à la rencontre des tigres dans leur habitat naturel. Estimée à 100 000 au début du XXe siècle, la population du plus grand des fauves ne compterait plus aujourd’hui que 3 000 individus, toutes espèces confondues (Bengale, Caspienne, Sumatra, Chine, Indochine, Sibérie, Java, Bali). Le tigre est le symbole de l'Inde depuis des siècles, il est ici profondément ancré dans la culture et la religion, il est donc impensable d'imaginer l'Inde sans la présence de ce majestueux et incomparable félin.

Notre séjour de trois semaines débute, à 300 Km de New Delhi, sur le magnifique site de Ranthambore et, immédiatement, nous sommes dans l’ambiance tant espérée en prenant nos quartiers dans un confortable Lodge de Style colonial. Abrité par une colline dominée par les ruines d’un antique temple hindou, notre Lodge surplombe un lac où les cerfs Sambars aiment à pâturer, se nourrissant de longues herbes aquatiques. Nos hôtes, particulièrement accueillants et vêtus d’élégantes tenues régionales, nous ont préparé un délicieux dîner aux chandelles, comme nous les apprécions, composé d’un rafraîchissant raïta de concombre, d’un assortiment de croustillants samoussas de légumes, suivi d’un succulent poulet tandoori agréablement épicé au goût subtile et de nans au fromage moelleux à souhait. L’ensemble du repas est accompagné d’un excellent thé Darjeeling et d’une bière « Cobra », une savoureuse bière blonde indienne, brassée à base de malt d'orge, de maïs, de riz et de houblon. Après de telles agapes, demain sera un autre jour durant lequel endurance, prudence et patience nous permettront, peut-être enfin, ce face à face tant attendu avec le roi de la jungle indienne, sa majesté le tigre. Durant la nuit, d’intempestifs coups de trompettes stridents déchirent le silence ; nous sommes aussitôt aux aguets, c’est un cerf axis qui sonne l’alarme, signe qu’un tigre rode dans les parages… vivement demain ! Nous nous endormons paisiblement, l’esprit envahi par les récits mythiques de Rudyard Kipling.

Le lendemain, bien avant l’aube et en catimini, nous sommes à pied d’œuvre et notre traque photographique s’organise. Tout d’abord, nous partons en quête des moindres traces du félidé qui a hanté la contrée durant la nuit. Solitaire, grand chasseur, excellent nageur et se déplaçant toujours à pas feutrés, le tigre du Bengale est capable d’effectuer des bonds de plusieurs mètres de long et de haut, pour saisir et neutraliser irrémédiablement une proie, alors… calme et circonspection s’imposent.

Bientôt, nous suivons des traces fraîches, en progressant sous le vent afin de n’être pas repérés par le maître des lieux, tout en prêtant l’oreille aux divers bruits qui circulent dans ce biotope luxuriant. Puis l’affût s’organise et, désormais, seules la patience et une infinie discrétion vont nous permettre de réaliser les clichés pour lesquels nous avons effectuer ce long voyage. Dans l’attente, nous profitons d’un environnement merveilleux et, sans bruit, avec nos appareils photos camouflés et insonorisés, nous emmagasinons nombre d’images de la faune sauvage qui évolue autour de nous. Les heures passent, tous nos sens sont en éveils, mais, parfois le doute s’installe, avons-nous été repérés ? Puis, tout à coup, nous percevons autour de nous une indéfinissable tension… la nature semble se figer et alors, silencieux, comme sorti de nulle part, un tigre apparaît et disparaît, mimétique au gré de sa marche, semblant adapter les tons de sa fourrure à ceux de la végétation. Aucun bruissement n’émane de sa progression, le seigneur de la jungle est ici chez lui, à la fois impressionnant, puissant, souple et terriblement discret. Sans réfléchir, mais instinctivement, nos appareils photos remplissent leur office et la scène est immortalisée. Déjà le prince de la forêt s’éloigne, nous nous regardons sans un mot, nous sommes émus, heureux et comblés, notre grand rêve vient de s’accomplir.

Durant ce séjour, nous avons aussi rencontré d’autres tigres et toute la faune qui évolue dans son domaine sur les territoires de Corbett (à dos d’éléphant), Sariska (depuis un affût au sol au bord d’un point d’eau), Bandhavgarh (à dos d’éléphant), Khana et Dudhwa (à l’affût).

Françoise PEURIOT et Philippe PLOQUIN

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